Institutionnalisée en 1982, la campagne des Primeurs de Bordeaux débute habituellement la première semaine d’avril par des dégustations. Depuis l’année dernière, cet événement incontournable doit composer avec la pandémie de covid et s’adapter aux nouvelles contraintes sanitaires.
Pas de « grande messe » pour les Primeurs de Bordeaux 2020
Après une édition en 2020 sous le signe de la sidération, en 2021, le déroulement de la campagne des Primeurs 2020 semble plus organisé et prévisible. Au printemps 2020, on a longtemps craint que la campagne des Primeurs 2019 soit tout simplement annulée, créant ainsi de puissantes crispations sur le marché. Cette dernière s’était finalement déroulée au cours du mois de juin, générant même un souffle bienfaisant sur le marché des grands crus du 2e semestre 2020 grâce à des prix de sortie cohérents.
Malgré les contraintes, les dégustations des vins ont débuté en avril. Certes sur un mode très différent de la grande messe qui réunit habituellement tous les acteurs du marché à Bordeaux, mais elles se tiennent. Elles sont rendues possibles par l’envoi d’échantillons, et promues par les comptes des plus célèbres critiques sur les réseaux sociaux. Quant aux courtiers bordelais, ils travaillent comme de coutume avec sérieux et discrétion.
Des Primeurs de Bordeaux 2020 sous le signe de la qualité
Les premières impressions exprimées laissent présager un millésime de grande qualité. James Suckling considère 2020 comme « excellente », comparable aux grandes années 2018 et 2019 :
« les bordeaux rouges de 2020 offrent un beau fruité, sans en faire trop, et des tanins mûrs et policés (« polished ») qui confèrent aux vins une belle longueur. (…). Ils sont un peu moins flamboyants que les 2018, plus dans la lignée des 2019 qui se caractérisaient par une superbe fraîcheur et une belle tension phénolique (tanins sans trop d’astringence) ».
Selon le célèbre œnologue Michel Rolland, 2018, 2019 et 2020 constituent même une « trilogie » hautement qualitative. Selon lui, 2020 est même plus équilibré, plus tendu et plus frais que 2019.
… mais avec une production limitée, voire réservée
Néanmoins, si la qualité est au rendez-vous, les quantités sont plus faibles que les précédentes années. Les températures très élevées de l’été 2020 ont amputé les rendements et engendré une récolte plus faible de 10% que la moyenne des 10 dernières années (440 contre 486 millions de litres pour les AOP du Bordelais).
Compte tenu des graves dommages causés par le gel en avril 2021, il n’est pas exclu qu’une partie de la production 2020 passe en réserve, diminuant d’autant les disponibilités.
Qualité élevée, quantité limitée, beaucoup pressentent une inévitable hausse des prix.
Comme chaque année, la fixation des prix sera au cœur des débats et l’élément central de la réussite ou de l’échec de cette campagne des Primeurs de Bordeaux 2020. Les bruits de couloir laissent entendre que les Châteaux considèrent que 2019 constituait une trop bonne affaire. Ils oublient par là même que la baisse de 20 à 30 % des tarifs des 2019 par rapport à ceux de 2018 fut sûrement le principal facteur du succès de la campagne des 2019, alors que la situation de l’économie mondiale était particulièrement précaire.
Même si les échanges de grands vins retrouvent des couleurs au premier trimestre 2021, notamment grâce au retour des acheteurs américains, une augmentation disproportionnée des prix des primeurs 2020 de Bordeaux nous semblerait être néfaste à la dynamique actuelle de reprise d’un marché des grands crus qui demeure empreint des stigmates des difficiles et incertaines dernières années.
Une hausse trop importante risquerait également d’accroître le recul des parts de marché de Bordeaux, et ternirait encore un peu plus l’image d’une région capable pourtant de produire de si grands vins.
Auteur : Aurélien Grevet
Vinoptimo, négociant international en grands vins, vous conseille pour vos achats ou reventes de grands crus.
Crédit image : snaptitude Adobe Stock