Si une dégustation de grands crus est depuis toujours associée aux fêtes de fin d’année, elle était cette fois un peu plus attendue. Après le tumulte d’une éprouvante année, nous aspirions à quelques splendeurs pour tourner la page 2020 sur de belles notes.
Pour reprendre les mots de Bernard Pivot dans son Dictionnaire amoureux du vin,
« le peuple de la cave distingue très bien l’existence ordinaire, le train-train, des fêtes, des anniversaires, des jours carillonnés et des nuits de liesse. Ce n’est pas aux vieux millésimes qu’on apprend les us et coutumes de la maison. […] Né du rythme des saisons, le vin en a gardé le souvenir. Il connaît les aléas du temps, les balancements de l’histoire. Ayant des repères chronologiques, il se prépare, chaque fin d’année, à fêter l’avènement du même Petit Jésus que l’hiver précédent, et du nouveau millésime. Il sait qu’il sera copieusement associé à ces deux fêtes. C’est son rôle. C’est son destin ».
Nous tenions particulièrement cette année à honorer ces traditions, d’abord dans le cadre d’un dîner rassemblant les membres de l’équipe Vinoptimo qui ont œuvré à vous servir tout au long de ces derniers mois.
La simplicité était de mise : un très joli plateau de fromages et de charcuteries de chez les Frangins, quelques œufs brouillés et des truffes noires.
La dégustation s’ouvre en apesanteur avec des bulles nature
Nous débutions notre dégustation avec une bouteille à tous points de vue exceptionnelle, les Jardins Esmerladins Genèse blanc 2001 de Xavier Caillard. Ces bulles nature sont aujourd’hui introuvables. Nous avions la chance d’en profiter grâce à l’un des convives, ami du vigneron. Le domaine n’existe plus et laisse derrière lui le souvenir de quelques milliers de fabuleuses bouteilles. La couleur orangée annonçait dès le premier regard de sublimes amertumes qui se retrouvaient ensuite en bouche dans un remarquable équilibre entre puissance aromatique (fruits confits, pomme cuite, fleurs blanches, agrumes) et fraîcheur.
Le voyage se poursuit en dégustant deux bourgognes entre rondeur et impétuosité
Retour sur Terre avec un joli blanc bourguignon de Pierre Damoy, le Bourgogne Blanc les Ravry 2015. Si c’est effectivement à ses entrées de gamme que l’on juge de la qualité d’un domaine, le test était ici passé haut la main. Cette bouteille remplissait toutes les cases, avec cette rondeur toastée du chardonnay élevé en barriques, balancée par une belle acidité.
Puis les rouges. Par habitude, nous débutions avec le bourgogne avant le bordeaux. Les deux étant des 1996, ce choix nous semblait approprié. Mais l’Echézeaux 1996 de Gilles Jayer que nous avions choisi en décidait autrement. Malgré plus d’une heure de carafe, et bien qu’excellent, le bougre était encore trop sanguin et écrasait la finesse des sauveurs de la truffe. Il nous fallut recourir à la puissance du Gorgonzola pour assagir cet impétueux au potentiel de garde vraisemblablement énorme. En fin de soirée, et quelques heures de carafe plus tard, il dévoilait sa superbe profondeur aromatique et ses beaux équilibres plus sereinement.
Sans oublier de savourer toute l’élégance d’un bordeaux
Le Pichon Longueville Baron 1996 se chargeait donc d’accompagner nos œufs brouillés à la truffe. On peut pester tout au long de l’année contre les rigidités bordelaises et les politiques tarifaires parfois incompréhensibles, force est de reconnaître que les grands crus de Bordeaux matures s’avèrent souvent majestueux. Ce Pichon Baron 1996 révélait une élégante puissance aromatique dont les notes tertiaires, sans que le fruité ne soit effacé, faisaient écho à celles de notre tuber melanosporum, associée à une sensation veloutée en bouche. Et quelle longueur !
Nous poursuivrons dans un prochain article avec d’autres réjouissances gustatives de fin d’année, au programme : Clos des Mouches rouge 1999, Montrachet 2008 des Barons Thénard et Yquem 1990.
Auteur : Aurélien Grevet
Vinoptimo, négociant international en grands vins, vous conseille pour vos achats ou reventes de grands crus.
Crédit image : Vinoptimo
